Une fenêtre à Dharamsala
Nous continuons dans le nord de l’Inde.
Mes impressions commencent dans l’avion Paris-New Delhi, où mon anxiété m’a poussée vers un alcoolisme aérien, suivi d’un total dry November. À Dharamsala, j’ai croisé le Dalaï-Lama dans son temple, puis j’ai rejoint la C. Yoga School. Sous l’enseignement d’un jeune prof cauchemardesque, une mini-fracture d'un orteil m’a clouée dans une chambre rose, qui s’est révélée salvatrice. Une fenêtre à Dharamsala.
Retour à Delhi : cinq jours dans une enclave étouffante de New Delhi, pour terminer par une plongée dans l’incroyable Old Delhi, un monde Steampunk digne d’un premier Star Wars.
Liste - Paris/Delhi - 1er novembre 2018
-My flight is getting ready -
Peur d’avoir froid
Il va faire chaud
Peur d’oublier
J’ai tout ce qu’il faut
Je n’ai pas de manques
Et ne manque de rien
Ni trop anxieuse
Ni trop détendue
Un bébé pleure
Tout est normal
La route sera belle
Dans l’avion, je parle avec mon voisin indien, capte des bribes de phrases qui me font acquiescer et sourire bêtement.
- “you’rRRRe into yoga, youLL wWill underRRstand, you’LL have to be carRRRfullL…”
Il me parle, pendant que j’avale mon plateau repas.
Manger dans l’avion estompe mon alliance à l’anxiété. Boire aussi.
J’ai fini mon plateau repas.
J’ai bu : deux bouteilles de 17,05 centilitres de Merlot, j’ai beurré mes tartines de pain alors que je ne fais jamais ça, enfin si, dans les avions. Je n’ai laissé que le yaourt, le truc le moins engageant sur un plateau repas.
J’aurais bien aimé piquer le camembert de mon voisin, nullement disposé à l’effleurer, mais, je me suis réfrénée.
Je suis enseignante de yoga maintenant, certes, scruteuse de camembert, beurrée au Merlot et bourrée de tartines…
The Holiness said - Dharamsala
The 3rd of november in Dharamsala
The Holiness said
EARTH IS BURNING
Go back to nature
Go back to sunshine
Live better for less
Control population exploitation
Improve equality
The Holiness said
We need another social revolution
The Holiness said
That Bouddha himself said “be your own master“
Est-ce qu’il parlait anglais Bouddha ?
Le 3 novembre à Dharamsala
La Sainteté a dit
LA TERRE BRÛLE
Retourner à la nature
Retourner au soleil
Vivre mieux avec moins
Contrôler l’exploitation de la population
Améliorer l’égalité
La Sainteté a dit
Il nous faut une autre révolution sociale
La Sainteté a dit
Que Bouddha lui-même a dit : « sois ton propre maître »
Next life - Previous life
L’élection au Brésil de Bolsonaro succède à celles de Trump, de Duerte, de Salvini, d’Orbain, de Poutine, d’Erdogan…
Vie suivante - Vie précédente
View café 90 - Dharamsala
Il fait froid
Corneilles du nord
L’odeur de l’Inde
L’odeur de la montagne
L’odeur de la neige
Des oiseaux, des paons
- The peacocks birds
L’odeur de l’Himalaya
En contrebas
Bruit de la rivière
Sous le soleil de novembre
Des forêts argentées de pierres grises
De silex, d’ardoise,
des marguerites à quatre ou cinq pétales
Dans ma bouche, des bribes d’anglais
De français, d’un mélange des deux
Une conquête quelconque
Une conquête quand même
Le soleil se couche
Et tous les pétards jaillissent
On inspire et on expire
Des bombes Hiroshima
On ne s’aime pas vraiment – “Il pleut en amour“ *
J’en manque parfois
Je m’incline devant de sages savants
Je t’ai vu, Dalaï Lama, encore un peu vivant
Je m’incline aussi devant les fantômes de la pop
Et devant l’œuvre de la jeunesse d’aujourd’hui
La force électrisée de mon corps prononce des autorisations
Des énoncés, des possibilités créatives
Il s’en remet à l’alignement
Il côtoie la zone proximale de cette époque en déréliction
Le soleil se couche
Et tous les pétards jaillissent
- Je pense à une dernière chose avant de m'endormir,
quel cauchemar ce jeune prof de yoga -
Nos apparences sont pourtant liées à la réalité
*Richard Brautigan
C. Yoga school – Dharamsala
Je pense à mon père devant l’homme qui porte des pierres.
Un homme fort honnête et droit habillé d’un Dhoti pour vieil homme d’ici.
Il a le visage élimé, le sourire malin, les yeux vifs pétillants, la mâchoire carrée,
la silhouette d’Orphée.
Je vois quelque part, posée là, son ombre dans le soleil couchant.
Quel genre d’homme à trente ans ?
Quel genre d’homme à vingt ans ?
Je croise chaque soir ce survivant abrité, emmitouflé de dignité.
Il me salue.
Sa main sèche dans la mienne témoigne du labeur, du temps.
-“j’ai vu leurs mains témoigner du temps et du labeur“ *
Tout comme mon père et l’homme qui porte des pierres.
*Biche - Dessinateur à Charlie Hebdo
De New Delhi à Old Delhi Steampunk
Rien à craindre de rien dans l’enclave Airbnb
Coupable de rien
À sens contraire du monde
Illusion d’optique
Rien à sentir d’autre qu’un air qui nous confonde
Sous un ciel beige
Que suis-je, dans l’enclave Airbnb
Est-ce qu’on s’évade d’une prison dorée ?
Je respire à peine cet air filtré
Je me shoote aux plantes du balcon
Puis, rétention d’air - et hop je ne respire plus -
Je brûle la colère
A croire qu’elle est privée
Ici, le chauffeur, la cuisinière, les gardiens des grilles, les proprios des expats
embrassent leur chance enclavée - Amor fati *
Je pense à toi, à mes prunelles
Et je me dis - Plutôt plonger dans la gueule d’Old Delhi
Old Delhi Steampunk
- L’ANAMORPHOSE INVERSÉE –
Plutôt choisir comme fin de voyage
Le cancer des particules brunes du ciel et l’hyper réalité
Avant dernier jour
Je flotte au milieu de ce restaurant populaire indien
Les femmes jouent au bingo
La nourriture est grasse – dégueulasse – l’hôtel est bien miteux
Je retrouve enfin mon entièreté
*Nietzsche
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